Site icon Frédéric Bizard

Pourquoi le gouvernement souhaite t’il la disparition des médecins libéraux?

Des milliers de médecins libéraux, internes et chefs de cliniques ont démarré depuis le 12 novembre une grève des soins illimité pour demander l’abrogation de l’avenant 8 conventionnel signé le 25 octobre dernier. Cet accord, signé à minima par trois syndicats médicaux sur cinq après une pression intense de l’Etat, n’est qu’une étape dans le programme politique de santé du gouvernement progressivement dévoilé. Celui-ci, qui pourrait se résumer par la promesse de « l’accès à une santé gratuite pour tous », nécessite l’abrogation de l’exercice libéral de la médecine présente en France depuis près d’un siècle.

Les médecins libéraux qui vont fouler le pavé parisien cette semaine ont bien compris que l’enjeu principal de l’avenant 8 était leur survie professionnelle. En tarissant le modèle économique de l’exercice libéral – qui ne peut survivre que si le prix  des actes médicaux est suffisamment élevé pour faire face aux coûts de la pratique médicale -, le texte met en péril tout un pan de notre médecine. Les trois signatures de syndicats (CSMF, MG France et SML) sur un texte aussi défavorable aux médecins et aux patients révèle le gouffre creusé ces dernières années entre certains dirigeants syndicalistes médicaux, manipulés à volonté par le pouvoir exécutif en échange de rétributions honorifiques et budgétaires, et la base de leurs mandants, des médecins qui assurent chaque jour les soins aux malades.

Le non renouvellement de l’autorisation de chirurgie de la clinique de la Roseraie à Paray-le monial décidé arbitrairement par  l’Agence Régionale de Santé de Bourgogne fin octobre dernier est une autre illustration de l’éradication en marche du modèle de santé français, fondée sur une présence complémentaire et équilibrée d’un secteur privé et publique de santé.  Cette décision, si elle est maintenue, va entrainer la fermeture de la clinique qui emploie 65 salariés et 25 praticiens libéraux. La décision à peine officialisée, la députée PS  de la circonscription, Edith Gueugneau, se fendait d’un communiqué de presse à l’effigie de l’Assemblée nationale déclarant : « je me réjouis, non pas de la disparition d’une autorisation de chirurgie, mais de la victoire du service public. Cette annonce vient, après des mois d’attente, rassurer le personnel et les patients du centre hospitalier  de Paray-le Monial, conforter l’activité chirurgicale de l’établissement, et réaffirmer le service public de santé de notre territoire ». L’exécutif fait fermer une clinique, avec toutes les conséquences locales économiques et sociales, pour sauver l’hôpital public du coin au bord de la faillite. Ce cas illustre à lui tout seul le programme politique en cours dans le secteur de la santé.

Un Etat en incapacité financière d’assumer son projet politique

La mise en place d’une médecine publique intégrale en France devrait passer par la  nationalisation des biens médicaux du secteur privé. Qui en a les moyens aujourd’hui ? L’Etat avec ses 1800 milliards € de dettes et ses 4,5% de PIB de déficit qui doit être ramené sous les 3% dès 2013 ? L’Assurance Maladie qui a cumulé ces dix dernières années un déficit de 84 milliards €, soit plus de 60% du déficit de la sécurité sociale ? Les hôpitaux publics qui affichent un endettement de plus de 24 milliards € et dont les deux tiers ont des difficultés à trouver des liquidités pour payer leurs frais de fonctionnement ? Le gouvernement n’a pas les moyens financiers de sa politique ce qui devrait être un argument suffisant pour en changer.

Une politique contraire à notre culture sociale

Notre système de santé, comme tous ceux des pays développés, est étroitement imbriqué dans la culture et l’histoire de notre pays. Il repose sur les fondements philosophiques  hérités du siècle des Lumières, repris dans notre devise Républicaine « Liberté, égalité, fraternité » et rebaptisés par John Rawls dans les années 70 sous le nom de justice sociale. Chaque individu dispose de droits inaliénables et égaux pour tous. Les trois priorités de la justice sociale sont le respect d’une base de liberté la plus large possible, l’égalité des chances pour tous et l’acceptabilité d’une injustice si elle bénéficie aux plus défavorisés. Une médecine publique, contrôlée par l’Etat, repose sur des principes incompatibles avec les nôtres, énoncés au 18ème siècle par le philosophe anglais Jérémy Bentham sous le vocable d’utilitarisme. Ce qui compte, c’est d’optimiser le bonheur pour le plus grand nombre, ce qui revient à considérer certains individus comme un moyen et d’autres comme une fin. Le non respect du droit de certains est acceptable s’il sert l’intérêt de la majorité.

Une politique d’injustice et de régression sociale

La politique du gouvernement revient à prendre le pire du modèle sanitaire anglais sans ses avantages. Nous aurions une gestion de la demande médicale à l’aide du rationnement des soins et la constitution de files d’attente. Les Français doivent prendre conscience que les 110 000 médecins libéraux leur permettent d’être soignés sans délai, par le médecin de leur choix, par les dernières avancées de la science à un coût accessible grâce en grande partie aux médecins libéraux. Ils ne supporteraient pas qu’ils en soient autrement certes, mais ils doivent connaître les conditions d’existence d’un tel système.  Les forces du modèle anglais résident dans une excellente gestion de la  santé publique et une culture médico-économique très forte qui en font le modèle le plus coût efficace. Ces forces sont la faiblesse de notre modèle sanitaire ce qui laisse présager l’état de ce dernier après y avoir intégré les faiblesses du modèle anglais.

Une politique de santé sans mandat populaire

La politique de santé prônée par le gouvernement n’est en rien le programme présidentiel de François Hollande mais celui de Jean-Luc Mélenchon, inspiré par des experts jusqu’aux-boutistes proches de la Ministre de la santé actuelle. Le Front de gauche avait en effet clairement affiché sa volonté d’instaurer une médecine financée à 100% par la collectivité et contrôlée par l’Etat. C’est dans sa logique révolutionnaire et les moyens politiques prônés par ce parti auraient permis son application. Le seul problème est que les Français n’ont pas élu M. Mélenchon, dont aucun membre du parti ne figure au gouvernement. Le gouvernement n’a donc aucune légitimité électorale pour menacer l’existence de l’exercice libéral de la médecine, encore moins les libertés fondamentales des citoyens français en matière de santé.

Si on y ajoute les propos méprisants et infondés, qui ont profondément blessé la communauté médicale dans son ensemble, tenus sans relâche par la Ministre de la santé envers les médecins libéraux depuis son installation au Ministère, la contestation sociale de cette semaine pourrait se révéler à haut risque pour le gouvernement. L’histoire nous a appris le fonctionnement insurrectionnel de notre pays, dont la logique est inscrite dans l’article 35 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : «  Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

Frédéric BIZARD

 

Quitter la version mobile