La santé est le grand absent de la campagne présidentielle actuelle. François Hollande a présenté le 2 février un programme de réforme à visée très corporatiste, avec comme objectif majeur de remettre l’hôpital public au cœur du système, et n’a plus abordé le sujet ensuite. Nicolas Sarkozy n’a encore rien dévoilé sur la question qu’il n’a pas encore citée dans ses discours. Les autres candidats ignorent le thème. Aucune émission politique n’a intégré ce thème dans son programme. Pourquoi une telle situation ?
Est un sujet secondaire ? Notre santé est notre bien individuel le plus précieux et un bien commun que doit préserver l’Etat. Les enjeux sont colossaux : financiers (234 milliards€ en 2010, 12.1% du PIB), industriels (exports, des milliers d’emploi industriels), sociaux (plus d’un million d’emplois dans le secteur médical), économiques (impact de l’état de santé sur l’économie) et de sécurité intérieure (la sécurité sanitaire). Le système de santé est un pilier de notre protection sociale et aujourd’hui une vraie menace pour la préservation de cette dernière.
Deux explications sont possibles. 1/Les politiques pensent que la situation de notre système de santé reste encore bonne et qu’il n’y a pas d’urgence à le transformer. 2/ Ils ont conscience des besoins de transformation du système mais préfèrent ne pas débattre ouvertement des mesures à prendre et veulent agir après la présidentielle. En d’autres mots, soit c’est une erreur de diagnostic de la maladie ou une volonté de ne pas dévoiler publiquement le traitement. Probablement les deux en fait.
Notre système de santé est à bout de souffle. L’assurance maladie a toujours été déficitaire depuis 30 ans, avec un déficit cumulé de 80 milliards € ces 10 dernières années. Le niveau de remboursement des soins courants par la sécurité sociale dépasse à peine 50% ; les dépenses de santé pris en charge par la collectivité se concentrent de plus en plus (2/3 aujourd’hui, 70% en 2015) sur les affections de longue durée. Les médecins conventionnés de secteur 1 (tarif sécurité sociale) sont de moins en moins présents dans les grandes villes, des déserts médicaux se développent en banlieues et dans les milieux ruraux. Ceci conduit près de 20% de la population à ne plus pouvoir accéder aux soins courants. La France présente un des niveaux d’inégalités sociales en santé les plus élevés d’Europe : un ouvrier a la double peine de vivre moins longtemps (7 ans de moins d’espérance de vie que les cadres) et en moins bonne forme qu’un cadre (10 ans de moins d’espérance de vie sans incapacité). La France a les niveaux de mortalité prématurée (107 000 morts avant 65 ans, soit 20% des décès) et de mortalité évitable (35 000) les plus élevés d’Europe après les pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale…
Notre système de santé n’est pas préparé pour affronter les enjeux sanitaires, technologiques, financiers et sociaux de notre époque. Sans refonte globale, notre pays va être rapidement relégué en deuxième division des pays industrialisés en matière sanitaire.
Pourtant, les solutions existent, le système est réformable, une transformation réaliste est possible. Pour cela, il faut mettre la santé au cœur du débat présidentiel. N’hésitez pas à raconter sur les réseaux sociaux vos mésaventures face au système de santé, à mettre les politiques face à leurs responsabilité en les interpellant sur le sujet. Exigez un grand débat national sur la santé !
Frédéric Bizard