Le sang contaminé dans les années 80 et 90 avait révélé l’absence totale d’organisation de la santé publique dans le pays de Pasteur et a entraîné la création d’une foison d’agences sanitaires pour pallier cette situation.
Depuis deux décennies, nos résultats en matière de santé publique sont décevants et minent notre système de santé
L’état de santé de la population française montre des signaux plutôt négatifs et est en perte de vitesse ces dernières années comparé aux autres pays développés. L’obésité a progressé de presque 100% en 12 ans; on est passé de 3.5 millions en 1997 à 6.5 millions d’obèses en 2009 (étude Obepi), 20 millions de Français sont aujourd’hui en surpoids ou obèses soit 47% de la population adulte. 15 millions de Français fument avec une progression depuis quelques années de fumeurs parmi les adolescents et les femmes. La France est en queue de peloton des pays d’Europe en matière de mortalité prématurée (105 000 décès chaque année avant 65 ans) et de mortalité évitable (35 000 décès évitables avec une meilleure prévention). L’espérance de vie sans incapacité est en baisse dans notre pays. Elle est passée de 64.6 ans à 63.5 ans de 2008 à 2010 chez les femmes (12ème position dans l’UE 27) et de 62.7 ans à 61.9 ans chez les hommes (14ème position dans l’UE 27) selon l’Inserm (http://www.fredericbizard.com/2012/04/la-disparition-progressive-de-la-dolce-vita-en-france/). La crise du Médiator (2000 morts) et la gestion de la crise de la Grippe H1N1 ont révélé une réelle fébrilité des organes de décision et des failles énormes du système.
La France a concentré tous ses efforts en matière de santé au XXème siècle sur le volet curatif, avec notamment un hyper développement de son réseau hospitalier, ce qu’elle paye aujourd’hui avec une population peu éduquée en matière de santé, sur consommatrice de soins et une santé publique balbutiante. Elle le paye aussi par un système de soins de moins en moins efficient tant il est déconnecté des problématiques de santé publique qui sont fondamentales pour endiguer l’explosion des coûts liés aux maladies chroniques.
Que faire pour remédier à cette situation?
D’abord, remettre de l’ordre dans la gouvernance de notre santé publique. Prenons quelques extraits de l’éditorial du Professeur Roger Salamon,Président du Haut Comité de Santé Publique (HCSP) dans son rapport d’activité 2011, publié en mars 2012 (http://www.hcsp.fr/docspdf/docext/dra2011.pdf). « Le HCSP est une structure légère sans statut bien clair… » « … On a parfois l’impression d’être un village gaulois assailli de toute part ». « Ces autorités respectables (en parlant de la cour des comptes et de certains parlementaires) se passent le mot pour asséner … que le HCSP n’aurait pas lieu d’être ». Le Professeur Salamon précise aussi que le HCSP, dont une des missions officielles est pourtant l’aide à l’élaboration de la loi quinquennale de santé publique, n’a pas pour rôle de fixer les priorités de santé publique car c’est aux responsables politiques de le faire! Il ajoute que les 100 objectifs de la loi 2004 sont un bon tableau de bord et que leur nombre pourrait même dépasser 100.
Bienvenue dans le bric-à-brac de la santé publique en France!
Notre système de santé publique ne comprend pas moins d’une douzaine d’organisations sanitaires, placées sous la direction de la Direction Générale de la Santé et coordonnée par un Comité d’animation du système d’agences (CASA). Autant de lieux de pouvoir où chacun tente de prendre le dessus sur l’autre pour préserver son autonomie voire prendre plus de place dans le système.
Il paraît plus que nécessaire de remettre à plat notre gouvernance de santé publique afin d’aboutir à une structure simplifiée, avec des missions et des responsabilités clairement définies à chaque niveau. On pourrait créer une agence nationale de santé publique qui serait l’organe central de décision et de définition des grandes orientations de notre politique nationale de santé publique. C’est le cas au Canada où a été créé en 2006 l’agence de la santé publique canadienne (http://www.phac-aspc.gc.ca/index-fra.php ) qui a pour but de gérer la santé publique « dans un esprit de leadership, d’innovation et de concertation ». Le Canada est probablement le pays dans le monde où la santé publique est une activité des plus complexes à gérer avec une superficie de près de 10 millions de km2 (deuxième plus grand pays du monde) pour une population de seulement 34 millions d’habitants, une organisation politique fédérale avec 10 provinces et 3 territoires et une délégation politique et administrative importante. On peut ajouter à cela un sentiment national très ancré pour l’égalitarisme social qui les rapproche plus de la France que de leur voisin américain. Le fonctionnement et l’efficacité de cette agence démontrent la nécessité de disposer d’un organe de décision et de coordination puissant pour diriger la santé publique d’un grand pays. L’émiettement des structures et des centres de décision de santé publique est un frein majeur à la conduite d’une politique de santé cohérente et efficace en France .
Ensuite, c’est par la mise en place d’une véritable politique de prévention et de promotion de la santé dans les milieux scolaires, professionnelles, associatifs et sportifs que la France disposera d’une santé publique efficace. Nous avons à plusieurs reprises dans ce blog (par exemple http://www.fredericbizard.com/2012/02/la-prevention-sanitaire-la-solution-et-non-le-probleme-pour-contenir-les-depenses-de-sante ) et dans le livre « Une ordonnance pour la France » (aux éditions Thierry Souccar http://www.amazon.fr/Une-ordonnance-pour-France-efficace/dp/2365490085/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1335705320&sr=8-1) milité pour une telle politique. Elle représente les fondations d’un système de santé moderne et efficace de nos jours et malheureusement le talon d’Achille de notre système de santé. Les politiques ont l’habitude de rétorquer que la santé publique ne correspond pas à leur agenda politique car cela engendre des dépenses à court terme et des rendements à long terme (préjugé contestable). Faut-il investir dans un service public uniquement s’il rapporte immédiatement? Lorsque des membres de son cabinet lui ont tenu ce raisonnement au sujet de sa volonté de développer l’éducation aux USA dans les années 30, le Président Franklin Roosevelt a répondu »Si vous pensez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ». Si nos dirigeants politiques pensent que la santé publique coûte cher, qu’ils essaient les maladies chroniques pour tous!
Frédéric Bizard