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Professeur Emile Papiernik

De la disparition d’un grand homme et des leçons de son oeuvre

Le Professeur Emile Papiernik nous a quitté le 7 août 2009. Sa disparition correspond à la perte pour notre pays d’un personnage hors norme qui laisse une œuvre exceptionnelle qui doit marquer l’avenir de notre médecine.

Doté d’une intelligence vertigineuse, il était un roc au cœur tendre. Intrépide, perspicace, visionnaire, aucune force n’agissait sur lui lorsqu’il souhaitait agir. Cela lui donnait une dimension de guide. Il est toujours plus plaisant de suivre que de guider disait Montaigne.  Emile Papiernik en a fait l’expérience toute sa vie, lui qui a été tant chahuté. Ses réalisations ont marqué durablement la gynécologie obstétrique et la vie des femmes. Citons entre autres : sa technique de prévention de l’accouchement prématuré mondialement reconnu, le développement de la péridurale, l’utilisation de l’échographie, la mise en place du monitoring pour déceler une souffrance fœtale.

S’il a fait de la gynécologie-obstétrique française une référence mondiale, sa vision et son action dépassaient largement les frontières de sa spécialité et s’étendaient à toute la médecine du XXIeme siècle. Pour lui, la médecine  repose sur 3 piliers : la multidisciplinarité, l’humanisme et la solidarité.

L’approche multidisciplinaire a été sa marque de fabrique tout au long de sa vie professionnelle. Il en a démontré toute son efficacité notamment dans son action en Seine-Saint Denis. Alarmé par les mauvais chiffres de mortalité périnatale dans les années 80, le Conseil général lui a demandé de trouver des solutions. Il a proposé et mis en place une action territoriale gérée par le service de Protection Maternelle Infantile et par l’ensemble des médecins obstétriciens, des sages femmes, des pédiatres de nouveaux-nés des 22 établissements du 93. Il a fait travailler ensemble tout ce monde sur un objectif commun d’amélioration de la qualité des soins avec pour but de réduire nettement les chiffres d’enfants morts nés et de morts néonatales. Il a fait accepter par tous des règles bien précises et iconoclastes pour le milieu médical. Le projet, démarré en 1989, était programmé et financé sur 3 ans. Les résultats ont été si spectaculaires – le taux de mortalité périnatale en Seine Saint-Denis est passé de 12.7‰  en 1986 à 7.5‰ dès 1993 – que le département a continué à financer le programme jusqu’à aujourd’hui. Il était très attaché à cette expérience car elle démontrait que la participation des médecins à la gestion des soins par objectif santé était possible. Le fonctionnement cloisonné de notre médecine et de notre système de soins était pour lui une raison majeure de ses dysfonctionnements et de ses surcoûts. Il a fait la preuve que la gestion médicale de la santé, accompagnée d’une approche collective, est réalisable et efficace.

L’approche humaniste était au cœur de sa conception de la médecine. Il considérait la médecine  comme un art plus qu’une science. Il aimait à redire que la science qui permettrait  aux technocrates de dire aux médecins – qui connaissent tellement mieux leurs patients – comment pratiquer la médecine n’existait pas. Dans une médecine dominée par la technique dans les années 70, il a été quasiment le seul à s’intéresser à l’impact des comportements et de la qualité de vie sur la santé des individus. C’est cette approche qui l’a conduit à convaincre les politiques de mettre en place deux semaines de congé pathologique additionnelles au congé maternité pour les femmes enceintes fatiguées ou malades.  C’est aussi cette vision qui l’a conduit à être un des premiers médecins à écrire des livres pédagogiques pour le grand public. A l’époque, beaucoup de ces confrères ne lui ont pas pardonné de donner autant  d’importance aux patients  en lui transmettant son savoir. Il me disait d’un air amusé que cela lui avait coûté son entrée à l’Académie de médecine et qu’il trouvait que l’enjeu en valait bien la peine ! Il répondait parfaitement à la vision de Montesquieu qui considérait que pour faire de grandes choses, il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux.

L’approche solidaire était aussi au cœur de sa conception de la médecine et de sa vie en général. Il a toujours ardemment  défendu la place de l’hôpital public dans notre système de soins, garante à ses yeux d’un accès pour tous à des soins de qualité. Dans cette approche, on retrouve le fil conducteur de son action de médecin très tôt préoccupée par la prévention des maladies tout autant que par leur traitement. Pour lui, une santé solidaire nécessite une politique de santé publique centrée sur l’accès universel à la prévention individualisée.

 

Emile Papiernik a réalisé plus qu’un homme normal peut faire au cours d’une vie en plaçant sa spécialité au plus haut niveau mondial. Il a été un bienfaiteur exceptionnel pour les femmes.  Il a tracé la voie de ce qu’on peut faire pour disposer de la meilleure médecine au monde. Si nous la suivons fidèlement, il pourra alors être reconnu comme  un bienfaiteur pour l’humanité.

Nous adressons  nos plus sincères condoléances à sa famille et nous nous unissons à sa peine.

Frédéric  BIZARD

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