Faire du vieillissement de la population une source majeure de la hausse des dépenses de santé est une idée solidement ancrée dans les esprits de tous. Puisque les dépenses de santé augmentent avec l’âge, la hausse du nombre de gens âgés devrait mettre sous tension notre système de santé en accélérant la hausse des dépenses. Pourtant le Japon, avec la population la plus âgée de l’OCDE a des dépenses de santé parmi les plus faibles de l’OCDE et inversement pour les Etats-Unis!
Un facteur de la hausse des dépenses est l’évolution du profil des dépenses par âge. En fait, ces dépenses augmentent au même rythme à tous les âges de la vie. C’est la morbidité à un âge donné qui va influencer le niveau de dépenses. Une erreur est de penser que le vieillissement génère plus de besoins. Les progrès médicaux permettent de différer l’apparition des maladies à des âges plus tardifs. On assiste ainsi à un rajeunissement biologique de la population qui se traduit par un meilleur état de santé à un âge donné au cours du temps. En fait, on va probablement assister dans le futur à une «compression de la morbidité » dans les pays développés.
La hausse des dépenses à tous les âges est soutenue par les évolutions des pratiques, qui sont le déterminant principal de cette hausse. Les pratiques de soins sont liées aux innovations médicales, aux comportements des patients et des praticiens. Les patients ayant des comportements assez constants au cours du temps, le facteur majeur de la hausse des dépenses de santé est l’évolution des techniques et des traitement disponibles. C’est donc bien l’innovation médicale qui est le moteur principal de la hausse des dépenses de santé. Les études démontrent que de 1992 à 2000, la hausse de 54% des dépenses de santé a été partagée entre l’évolution des pratiques (+58%), le vieillissement (+3%), la hausse de la population (+3%) et la baisse de la morbidité (-10%).
Contrairement aux autres secteurs économiques, l’innovation est globalement une source d’augmentation des coûts de santé et non de diminution malgré les gains de productivité qu’elle génère. Une nouvelle technique médicale peut s’avérer plus ou moins coûteuse que la technique existante (effet de substitution), mais c’est l’utilisation plus large de cette technique (effet diffusion) qui va générer la hausse des dépenses. Ainsi l’arrivée du laser dans le traitement de la cataracte n’a pas fait augmenter le coût unitaire de l’intervention mais a permis d’étendre considérablement le nombre de patients susceptibles d’être opérés.
Ainsi, la hausse des dépenses de santé liée à l’innovation médicale a un impact économique et social très positif sur un pays. Elle est source de développement économique et d’amélioration de la qualité de vie. C’est la raison pour laquelle ces dépenses de santé, comme celles d’éducation, ont une valeur sociétale très forte pour un pays. C’est une raison majeure pour laquelle les politiques devraient accorder à la santé une attention prioritaire afin de garantir l’efficience du système et non laisser le système gérer de façon comptable par l’administration !
Frédéric Bizard
Annexe: Evolution à 2050 du vieillissement et des dépenses de santé en France