Decision de Standard & Poor global le 29/11/2024 : La France en sursis !

La conservation de la note « AA- perspective stable » est une heureuse surprise tant la situation financière, économique et politique de la France est incertaine et fragile.

Le consensus général allait au moins vers une mise en perspective négative (ce que je pensais), les plus pessimistes évoquaient la baisse de la note (A+).

 

1/ Que dit S& P ?

A juste titre, l’agence américaine rappelle que la France « reste une économie équilibrée, ouverte, riche et diversifiée « .

En clair, notre pays dispose d’atouts économiques indéniables, si on les exploite correctement et si notre politique économique est adéquate (l’agence suggère de continuer la politique de l’offre menée depuis 2017).

Plus surprenant, l’agence déclare « Malgré l’actuelle instabilité politique, nous nous attendons à ce que la France se conforme – avec un certain retard – au cadre budgétaire de l’Union européenne et consolide progressivement ses finances publiques à moyen terme« .

Alors qu’aucune institution nationale ou internationale ne donne crédit aux prévisions budgétaires du gouvernement ni pour 2025 (1,1% de croissance et 5% de déficit), ni pour 2029 (retour à 3% de déficit), l’agence laisse entendre que les objectifs fixés seraient atteignables ou feint d’y croire.

 

2/ Les raisons de cette décision surprise ?

L’agence n’a probablement pas voulu a priori ajouter un fardeau supplémentaire au chemin de croix financier du gouvernement.

Elle laisse sa chance « au produit », en parfaite connaissance de cause.

Elle préfère prendre la décision une fois des preuves tangibles d’incapacité de consolidation budgétaire acquises, plutôt qu’en pleine négociation budgétaire au Parlement.

Ensuite, elle analyse la situation globale de l’Europe : guerre en Ukraine, Allemagne en récession et en tourmente politique, Italie au bord de la récession, la France au bord de la crise politique.

Rappelons que l’agence doit évaluer le risque financier d’investir dans les obligations d’État de la France. Ce risque n’est pas lié qu’à la situation intérieure. On en revient un peu au « too big to fail » (rappelons que l’Allemagne est triple A).

Enfin, la France a déjà subi une sanction financière des marchés avec un spread avec l’Allemagne au plus haut depuis 2012 (+89 points), et des taux d’intérêt à 10 ans équivalents à ceux de la Grèce (3,03%).

La prime de risque pour les investisseurs est déjà présente et le fardeau pour l’État et les contribuables français déjà actés (charges de la dette 51Mrds€ cette année et 55 l’année prochaine, soit presque autant que notre Défense nationale).

 

3/ Quelles conséquences ?

Paradoxalement, cette décision peut avoir un effet négatif à court terme.

L’opposition peut trouver une justification à continuer le chantage populiste pour le RN pour crier victoire post-budget, et le toujours plus de dépenses pour l’extrême gauche. Notre laxisme budgétaire serait encore soutenable selon eux.

Le RN peut ainsi intensifier sa pression sur le PLFSS d’ici lundi 2 décembre et faire tomber le gouvernement le mercredi suivant si celui-ci ne lâche pas du lest sur les dépenses (désindexation des retraites, déremboursement des médicaments).

Le gouvernement peut se targuer d’avoir la confiance de la principale agence de notation et de continuer droit dans ses bottes son rabotage budgétaire illusoire sans réforme structurelle.

Ainsi, cette décision peut être interprétée par le gouvernement comme par l’opposition comme légitimant leur politique.

Financièrement, la décision changera peu ou pas la prime de risque et le coût de la charge de la dette à court et moyen terme car c’est déjà dans les cours ; disons que ça ne l’aggravera pas.

Finalement, c’est probablement un dernier répit avant une dégradation de la note qui viendrait acter une rétrogradation en deuxième division pas seulement financière mais aussi économique de notre pays.

L’agence nous dit probablement :

« La France est encore un pays riche à qui on peut faire crédit, avec de formidables atouts.

Vous pouvez encore vous réveillez, restructurer ce qui doit l’être (l’État, la santé, l’éducation, les retraites, le millefeuille territorial…) et disposer d’un avenir prospère.

Mais agissez vite, c’est votre dernière chance pour rester en première division ! »

 

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard, est un économiste spécialiste des questions de protection sociale et de santé. Il est professeur d'économie affilié à l'ESCP Europe et enseigne aussi à Paris Dauphine. Il est Président fondateur de l'Institut Santé.

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