Paru dans Le Monde du 14 mars 2012
La santé en France s’engage vers une situation de crise, les solutions existent mais doivent faire l’objet d’un grand débat national et le sujet est potentiellement un plus électoral pour le candidat qui en mesurera les enjeux.
Disponible aussi sur le site du Professeur Montagnier
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt la tribune , cosignée avec le professeur Luc Montagnier, que vous avez publiée dans l’édition datée du 14 courant du journal « LE MONDE » sur le nécessaire recentrage du système de santé sur le patient et sur l’évolution vers une médecine prédictive: votre tribune est d’autant plus opportune que le thème de la santé demeure désespérément absent de la campagne présidentielle actuelle. La lecture de votre tribune suscite de ma part les commentaires suivants:
* vous avez raison de parler de situation de crise: j’aurai même insisté sur le risque de faillite du régime d’Assurance maladie;
* votre diagnostic est malheureusement exact;
* votre vision transversale de la santé est excellente: au risque d’apparaître polémique, je dirai que le recentrage sur le patient devrait nous rappeler que l’hôpital est destiné à soigner des patients, et non pas à satisfaire les intérêts politiques des élus locaux, ni les intérêts catégoriels des agents de la fonction publique hospitalière: tous les blocages érigés contra les adaptations de l’offre de soins aux besoins réellement exprimés par les patients ruinent, depuis 1995, le budget de l’Assurance maladie;
* le concept de médecine 4P est lumineux:
– participative: pour impliquer les assurés sociaux dans le plein respect des prescriptions de prévention, il faudrait instaurer un système de bonus/malus, déjà appliqué dans tous les autres régimes d’assurance, car si le patient n’est pas responsable de la maladie dont il souffre, il est responsable de respecter ou non les prescriptions de prévention;
– prédictive: les progrès dans la détermination du génome de chaque patient pourraient permettere une généralisation du système sous quelques années, mais quid de l’attitude plus que restrictive du comité d’éthique?
– personnalisée: quid du réseau DMP informatisé? Après sept ans de gaspillage de l’argent public dans le prétendu déploiement d’un système franco-français, ne serait-il pas temps d’adopter un système issu de l’étranger mais qui a fait ses preuves depuis longtemps?
– préventive: ce serait une révolution par rapport à la pensée économique de santé qui prédomine depuis plusieurs décennies, qui privilégie le curatif, soit-disant aléatoire, au préventif, considéré comme une dépense certaine: les économistes de santé de l’avenue de Ségur se laiseront-ils faire?
Réforme de santé: ne devrait-on pas commencer par appliquer les textes actuels, à commencer par la tarification à l’activité sur la base d’un barème unique, ce qui allégerait le budget de l’Assurance maladie de 7 milliards d’euros, toutes choses égales par ailleurs, c’est à dire avec le même nombre de patients pris en charge, et avec le même niveau de qualité et de sécurité des soins?
Je me tiens à votre disposition pour soumettre mes commentaires à vos critiques.
Jérôme PERRIN