Dans toute conférence sur l’avenir du système de santé, la première question posée est en général la suivante :
« Pouvez-vous expliquer comment notre système de santé a pu s’enfoncer dans une crise aussi profonde ces dernières années ? »
En d’autres mots, pourquoi ce qui a si bien fonctionné au XXème siècle dysfonctionne autant au XXIème siècle ?
La réponse à cette question est double : l’environnement (démographique, épidémiologique, technologique, écologique) a radicalement changé entre ces deux périodes (notre système est inadapté à son environnement), et les transformations apportées par les Pouvoirs Publics pour adapter le système à ce nouvel environnement n’ont pas fonctionné. C’est un fait, et, comme on le sait, les faits sont têtus.
On peut ajouter à cela que la responsabilité de cette crise est largement collective. Nous sommes dans une démocratie avec de fréquentes alternances politiques.
La sortie de crise passe donc d’abord par une analyse objective de ce nouvel environnement d’une part et celle de la politique des 30 dernières années d’autre part. Comprendre les enjeux, les erreurs commises et reconstruire un système adapté, performant qui respecte les valeurs fondamentales auxquelles les Français sont attachées et les parties prenantes du système actuel. Voici l’équation à résoudre.
La deuxième question qui s’impose ensuite pour une sortie de crise est : « Sommes-nous collectivement capables de mener à bien cette reconstruction ? ».
Nous n’y répondrons pas ici mais une chose est sûre, l’obstination dans l’erreur, le dogmatisme idéologique, la vision biaisée de l’environnement, la non-maitrise des enjeux stratégiques sont rédhibitoires pour réussir.
La proposition de loi N°1175, écrite par le groupe Horizons de l’Assemblée nationale et présentée à l’Assemblée Nationale début juin, a une valeur pédagogique très intéressante pour comprendre les raisons de l’aggravation de la crise en santé et l’impuissance politique à changer la donne.
Il est donc utile de la décrypter.
Un déni des causes premières de la crise
Les trois motifs de la proposition de loi (PPL) sont un cas d’école d’une vision biaisée de la situation pour imposer des solutions dogmatiques.
D’abord, il est annoncé un premier scoop via un sondage : la santé est devenue la priorité des Français pour 83% en 2022 contre 61% en moyenne entre 2017 et 2019.
Face à l’effondrement généralisé de notre système de santé, quoi de plus normal que les citoyens fassent de ce thème une priorité politique. La santé a toujours été pour l’être humain un sujet essentiel mais l’effondrement du système est aujourd’hui concret pour tous les citoyens et les inquiète. Ils en font donc une priorité politique mais pour que la situation change.
Tout responsable devrait reconnaître une défaillance de la société politique à ne pas avoir anticipé cet effondrement et agi plus efficacement.
Loin de cela, le responsable en chef de la crise est identifié dès le premier paragraphe : le médecin. Il doit donc être « la première préoccupation du législateur ». Le bouc émissaire est trouvé ; l’acteur qui doit être une partie de la solution devient le cœur du problème.
Ce premier paragraphe illustre la vision erronée, fallacieuse, et finalement politiquement sans espoir de changement de la santé en France. Avec un tel diagnostic, on peut s’attendre au pire dans les solutions proposées, on va être servi.
Le deuxième motif de la PPL est le constat que « 87% du territoire national est un désert médical », nous « manquons de professionnels pour couvrir nos besoins de santé ».
Face à un tel constat d’échec, dans un pays qui avait été reconnu au XXème siècle comme ayant le mieux médicalisé les territoires par l’OMS, le mieux permis l’accès aux soins pour tous, on pourrait s’attendre à une remise en cause, voir un mea culpa des choix politiques de ces 30 dernières années. Raté.
Rappelons avec un simple graphe la gestion de la démographie médicale dont le seul décideur est l’État depuis un demi-siècle.
Le numérus clausus médical a été maintenu sous les 5000 places de 1984 à 2002. La défaillance de la gestion de la démographie médicale n’était pas due au dispositif utilisé (supprimé en 2018) mais aux choix politiques.
La première erreur politique est d’avoir affaibli quantitativement nos ressources médicales dans les années 80 et 90.
Un impact logique de cette gestion est la transformation de la pyramide des âges, un creux générationnel béant de la génération 35-50 ans de la ressource médicale.
La pyramide des âges entre 2012 et 2021 est explicite sur ce point. On peut y ajouter que parmi les 233 000 médecins en activité en 2022, près de 16 000 (7%) sont en activité intermittente et près de 20 000 (8,5%) en cumul emploi-retraite selon le Cnom.
Pyramide des âges des médecins de 2012 à 2021
On observe un élargissement de la base et du sommet de la pyramide des âges des médecins, auquel il faut ajouter une forte féminisation. En d’autres mots, la qualité de la couverture médicale des territoires dans les 10 prochaines années dépend surtout de l’efficacité des politiques à conserver en activité le plus longtemps possible les plus de 60 ans et à rendre l’exercice médical et les territoires les plus attractifs possible pour les moins de 40 ans.
L’analyse percutante de la démographie médicale continue dans les motifs de la PPL, avec un autre scoop : les inégalités territoriales. Une « quarantaine de départements sont aujourd’hui sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100 000 habitants ». La pénurie est donc inégalement répartie.
La PPL fait même de la réduction de ces inégalités … de pénurie … « son premier objectif ».
Après l’identification du bouc émissaire, on devine la coercition qui va lui être imposée.
Pourtant, le simple bon sens conduit à se dire qu’avec près de 90% des territoires en désertification médicale, l’inégalité de la répartition médicale, qui historiquement a reflété les différences d’attractivité des territoires et la localisation des universités médicales n’est plus le sujet premier. La pénurie est généralisée.
D’ailleurs, l’évolution de la densité médicale par région montre que les régions dotées de la plus forte densité auparavant sont celles qui ont perdu le plus ces dix dernières années. Les régions IDF et PACA sont parmi les régions qui ont perdu le plus de densité médicale ces 10 dernières années (-10,5% et -9,3% vs -4% en moyenne nationale).
Densités médicales régionales standardisées (anciennes régions) selon la spécialité en 2012 et 2021 (/100 000 habitants)
Ce point démontre bien que dans le cas de la démographie médicale, le sujet central est la chute de l’attractivité de l’exercice médical (tout mode d’exercice confondu) qui freine les anciens et les plus jeunes à exercer en quantité suffisante. En cela, le bon sens impose de repenser les mesures proposées ces dernières années qui sont en échec. Vous allez être déçus.
Le dernier point invoqué dans la PPL est « la complexité, la sur-administration et la trop grande centralisation » de notre système de santé. Il est expliqué comment ces dernières années ont ajouté des strates territoriales qui ont rendu le système illisible, le manque de coordination entre les acteurs…
Voici un constat fait systématiquement dans tous les rapports officiels et tous les exposés de motifs des réformes depuis 20 ans, tout en prenant des mesures qui ne font qu’aggraver ces constats. Cette PPL va respecter cette règle à la lettre.
L’exposé des motifs se suffit à lui-même pour ne rien espérer des solutions. Tout diagnostic erroné, biaisé ne peut conduire qu’à de mauvais remèdes.
Création de la treizième organisation territoriale et main basse de l’État sur les territoires
L’article 1 porte sur la définition des territoires de santé. On se dit qu’enfin le système va disposer de vrais territoires de santé, communs à tous les professionnels de santé, quel que soit leur mode d’exercice et leur activité. Bref des territoires pour les usagers, connu des usagers et piloté par les acteurs.
Pour cela, il est de la responsabilité de l’État de prendre la décision de supprimer les multiples dispositifs créés depuis des années qui ont cloisonné un peu plus les secteurs du soin et rendus un peu plus illisible l’offre de soins, et de les remplacer par un territoire unique défini selon des critères identiques dans tout le pays. C’est la condition du respect d’un principe constitutionnel de l’égalité territoriale.
En réalité, aucune suppression des quelques 12 organisations territoriales existantes n’est proposée, une treizième va donc être créée mais la démocratie sanitaire est sauvée puisque « la délimitation des territoires de santé peut être redéfinie par les acteurs du territoire, en lien avec les agences régionales de santé… ».
Comme souvent en santé, la répartition des rôles entre la démocratie sociale et sanitaire (les acteurs) et la démocratie représentative (l’État, ici les ARS) est volontairement floue pour laisser la main à l’État. Chaque forme démocratique devrait jouer un rôle bien défini: l’État détermine la stratégie, fixe les règles cardinales et délègue à la démocratie sociale et sanitaire, en responsabilité selon l’expression favorite des représentants de la démocratie représentative, l’exécution de cette stratégie à travers un projet opérationnel.
Toujours selon l’article 1, ce nouveau territoire fantôme pour l’usager (rappelons qu’aucun usager ne connaît son GHT ni sa CPTS) sera piloté par le Conseil Territorial de santé (CTS). Cette instance créée par la loi santé de 2016, est pilotée et financée par les ARS, souvent via leurs délégations départementales. Il suffit de lire le code de santé publique (2) et/ou d’écouter les acteurs de terrain pour se convaincre de qui décide.
Comme si ce n’était pas suffisant de ne pas rendre autonome et responsable de vraies instances de la démocratie sanitaire, un sous-article précise que si l’État n’est pas satisfait des résultats, il reprendra la main. Ce point est très révélateur de la volonté du législateur de créer un ersatz de démocratie sur un terrain de ruines, pour faire porter la responsabilité de l’échec de l’organisation des soins sur les acteurs et reprendre ensuite seul le contrôle… qu’il a déjà en réalité. La ficelle est un peu grosse mais on sait bien que plus c’est gros…
L’article 2 est éloquent en la matière. Ce Conseil territorial de santé a eu jusqu’à aujourd’hui un rôle au mieux consultatif dans l’organisation des soins, quand il en a eu un. Cependant, de peur que cette nouvelle responsabilité de pilotage, pourtant bien floue, échappe un peu trop à l’État, l’article 2 vient sauver la situation en ajoutant le directeur de l’ARS et le préfet comme membres de droit du CTS. Grâce à cet article, on évalue mieux le progrès accompli en matière de décentralisation et de démocratie sanitaire.
Mettre fin à toute autonomie de l’exercice libéral
Les articles 3 et 4 sont la suite logique des 2 premiers articles. Après avoir façonné une gouvernance des territoires à sa main, tout bricoleur étatiste est convaincu que si l’État est en échec, c’est qu’il n’a pas assez de pouvoir de coercition.
Cette coercition doit s’appliquer sur le premier responsable de la crise, identifié dans les motifs, le professionnel de santé en général et le médecin en particulier.
L’article 3 rend automatique le rattachement des professionnels de santé à la communauté professionnel de santé (CPTS). Rappelons que l’objectif est de créer 1000 CPTS dans le pays, la CPTS étant un des 12 échelons territoriaux sanitaires.
D’après cette proposition de loi, le Conseil territorial de santé (CTS) va être le pilote d’un 13ème échelon territorial appelé territoire de santé, qui sera différent du territoire de la CPTS, et que cette CPTS, qui a sa propre organisation et son propre exécutif, va se retrouver sous la tutelle du CTS, qui est lui-même dans les mains de l’État…
Nb : Si vous avez perdu le fil, vous êtes quelqu’un de normal, pas d’inquiétude.
Rappelons que cette PPL a comme motif de simplifier et débureaucratiser.
On pourrait ajouter que l’ARS n’est pas une décentralisation de l’État mais une déconcentration, dont le fonctionnement a montré depuis une décennie qu’elle correspondait à une recentralisation de la gouvernance et a renforcé la lourdeur bureaucratique comme évoqué dans les motifs de cette PPL.
L’article 4 rétablit l’obligation de participation à la permanence des soins de tous les professionnels et établissements de santé. Cet article vise les médecins libéraux qui sont encore vus par les Etatistes comme des acteurs incontrôlés et incontrôlables, avec assez peu de vertus de service public.
Il faut donc les mettre au pas.
Cette nouvelle coercition n’est pas absurde dans son objet mais dans son inspiration punitive. Considérer que tous les professionnels de santé rattachés à la sécurité sociale doivent remplir des missions de service public se comprend dans l’esprit de notre modèle universel et solidaire.
Son inanité vient de l’inscrire dans un mouvement qui ne s’accompagne d’aucune vision globale, d’aucune mesure positive pour la profession médicale. C’est donc bien une contrainte qui laisse entendre que les problèmes d’accès aux soins sont de la responsabilité du laxisme des professionnels de santé en général et des médecins libéraux en particulier. Cette démagogie a aussi un objectif politique, nous y reviendrons.
Il est pourtant rappelé dans les motifs que 45% des médecins généralistes, qui sont en grande majorité des médecins libéraux en ville, sont en situation de burn out.
Le législateur pense t’il que c’est en jouant au golf que ces médecins sont victimes d’un burn-out?
Quand on veut tuer son chien…
En tout cas, ceci ne l’incite pas à changer le cap; mieux vaut s’obstiner dans l’échec.
Renforcer le cloisonnement de l’hôpital
L’esprit de la territorialisation en santé devrait être de gérer l’organisation de l’offre sanitaire à partir des besoins des usagers, de décloisonner les secteurs du soin pour favoriser les coordinations et de faire vivre une démocratie sanitaire (3,4).
L’article 6 de cette PPL propose de donner un droit d’option pour doter de la personnalité morale les groupements hospitaliers de territoires (GHT). La loi de janvier 2016 avait créé cet échelon territorial dans le même esprit que l’article 2 de cette PPL pour la ville, d’y rattacher automatiquement, autrement dit par obligation, tous les établissements hospitaliers publics. L’État n’avait pas oser à l’époque donner une personnalité morale pour ne pas ajouter une couche administrative à ce nouvel échelon géographique.
Après plusieurs années de recul sur les 135 GHT créées, on pourrait douter de leur efficacité, de leur utilité à la vue de la déliquescence de l’hôpital public. On pourrait aussi les fondre dans les territoires de santé afin de décloisonner les soins et fluidifier les parcours de soins des patients. Au contraire, on préfère donner à ces groupements la possibilité de renforcer leur existence juridique, administrative, comptable et créer une strate juridique supplémentaire. Voici la simplification administrative annoncée, qui devrait éclairer probablement le citoyen sur le déclin de notre système de santé.
C’est évidemment le mouvement inverse qu’il faut engendrer : donner un maximum d’autonomie de gestion et de décision aux établissements hospitaliers, les libérer de ces groupements, qu’ils soient GHT, APHP ou autres.
L’hôpital public peut au moins se consoler en se disant que c’est le seul article qui lui ait directement concerné , il faut dire que le législateur y a déjà mis beaucoup du sien depuis 20 ans.
Rappelons que le principal rapporteur de cette PPL a dirigé pendant la précédente décennie la fédération de l’hôpital public, a insufflé ou supporter toute la politique hospitalière menée à cette époque. Droit dans ses bottes, face au succès de la politique hospitalière, il a toutes les raisons d’appliquer cette politique à la ville. C’est au moins une marque de constance…
Restreindre les droits des jeunes professionnels de santé
On a vu dans les motifs que l’attractivité de l’exercice médical pour les jeunes générations était une condition essentielle pour relancer la dynamique de l’accès aux soins. Raté.
L’article 7 veut inciter les jeunes médecins à s’installer le plus tôt possible dans une pratique stable. Pour cela, il y a deux options : rendre attractif l’installation dans le mode d’exercice de son choix ou tenter de forcer l’installation. Le léviathan veut protéger en contraignant. Selon Hobbes, le théoricien de l’État absolu et auteur du Léviathan, l’État doit se faire respecter par la peur et la contrainte. Les exécutants de cette théorie optent donc pour la deuxième option.
L’article 7 vise donc à interdire l’intérim médical à tous les professionnels, médicaux et paramédicaux, en début de carrière.
A ce stade, on entre dans le monde des Schtroumpfs de Peyo. Le Grand Schtroumpf dirige toute la communauté des lutins bleus en imposant les dates de sortie, des repas, et qui fait quoi. L’État va schtroumpfer les professionnels de santé pour rétablir l’ordre républicain et l’accès aux soins. L’expérience depuis 1996 montre que ce sont les Français qui se sont faits schtroumpfer leur système de santé mais continuons l’aventure des Schtroumpfs.
Enfin les deux articles 9 et 10 veulent faciliter l’exercice des médecins étrangers diplômés hors de l’Union Européenne (PADHUE), ce qui semble en effet être une initiative heureuse étant donné le boulet supplémentaire que cette PPL apporte pour l’exercice des médecins diplômés en France.
Cependant, compliquer à outrance l’exercice des professionnels qui ont passé des diplômes parmi les plus difficiles au monde tout en facilitant au maximum l’exercice de ceux qui ne sont pas passés par cette difficulté ( précisons que les PADHUE sont reconnus comme de bons praticiens) ne semble pas répondre à une ardente obligation.
Chacun jugera si cette decision est juste, si elle n’affaiblit pas les pays d’origine mais une telle proposition de loi la rend nécessaire, sans nul doute.
La rupture de 1996 pour le modèle de santé français
Depuis le virage des ordonnances de 1996, source de la vision technocratico-comptable imposée depuis, c’est bien l’État qui a repris le pouvoir sur toute l’organisation des soins, avec des outils bureaucratiques et comptables (dont le Plfss et l’Ondam).
Le bon sens voudrait que le Politique, et tout citoyen, tire les leçons de l’échec de ces ordonnances, qui ont largement remis en cause les fondements du modèle de santé français, et en corrige les méfaits.
Mais selon l’expression employée par le fondateur du groupe qui présente la PPL à l’ouverture du Ségur de la Santé en Juillet 2020 : « on ne change pas de ligne, on accélère ».
La PPL veut terminer le travail de 1996 en armant l’État de nouveaux leviers, tout en faisant porter l’échec de cette politique sur les professionnels de santé, pour mieux la continuer.
Si le législateur voulait confier un pouvoir d’organisation et responsabiliser la démocratie sanitaire, comme le souhaitaient les Pères fondateurs de 1945, il faudrait confier une vraie autonomie à chaque territoire, placer la sécurité sociale entre l’État et le territoire pour son fonctionnement opérationnel et rendre l’État vraiment stratège et régalien en santé (voir le programme de l’Institut Santé) (3).
Les ordonnances de 1996 ont instauré 2 piliers majeurs :
- Un cadre comptable court-termiste de pilotage des dépenses de santé (PLFSS, Ondam),
- Une mise sous tutelle resserrée immédiate de l’assurance maladie par l’État et progressive de toute l’organisation sanitaire via une agencification étatique (Arh puis Ars).
Ce virage a été une rupture dans le modèle de santé français, bâti sur les ordonnances de 1945 pour la sécurité sociale et les ordonnances Debré de 1958 pour l’organisation sanitaire.
Les ordonnances de 1945 ont instauré un système de délégation de service public de financement du modèle social géré via un système de démocratie sociale. Les grands principes étaient de mettre l’État à une certaine distance de la gestion opérationnelle, qui était confiée à la sécurité sociale pour permettre une constance sur le long terme, pour responsabiliser les assurés sociaux en leur confiant la gestion (suscitant l’éducation de la solidarité chère à Pierre Laroque).
Les ordonnances Debré ont bâti un système d’excellence qui a à la fois été le moteur de l’excellence de la médecine française, tout en renforçant le pouvoir médical dans l’organisation sanitaire. Ce pouvoir médical avait été initié par la charte de la pratique médicale de 1927 qui consacrait l’indépendance professionnelle du médecin à travers 5 principes cardinaux.
C’est en cela que les ordonnances de 1996 ont brisé le modèle fondateur de la santé en France. Les lois suivantes dont celle de 2009 (Hpst), souvent citées comme responsable du sabotage du service public, ne sont que ses filles.
Briser le pouvoir médical
Pour instaurer cette pensée dite de l’État absolu dans le système de santé, il fallait casser ce pouvoir médical, effectivement fort dans l’organisation sanitaire historique française.
Pour cela, il fallait mettre fin au mandarinat médical dans les hôpitaux publics (en particulier les CHU) et affaiblir la médecine libérale, les deux représentaient une source de pouvoir insupportable pour les Etatistes, qui en faisaient même un risque politique. En 25 ans, nous sommes passés d’un mandarinat médical à un mandarinat administratif tout puissant.
Si le premier était probablement à ajuster, il a participé à la construction d’un système de soin évalué comme la référence dans le monde au XXème siècle et a donné un prestige international à la médecine française.
Le second a de toute évidence échoué et à même conduit à un gaspillage vertigineux des formidables ressources longues créées en santé dans ce pays au XX eme siècle (professionnels de santé, capacités d’innovation, recherche, infrastructures).
Cette PPL N°1175 est vécue par la communauté médicale comme très hostile à leur égard et elle l’est en effet pour cette raison-là. Le pouvoir médical à l’hôpital ayant été déjà laminé dans des précédentes lois, cette PPL se concentre sur l’affaiblissement du pouvoir médical lié à l’exercice libéral.
Elle vient d’ailleurs s’entrechoquer avec la négociation conventionnelle de la médecine libérale échouée début 2023 et qui doit reprendre prochainement. Les ordonnances de 1996 ont réduit à sa portion congrue le poids réel de ces négociations, dont le contenu est fixé par l’État et les modalités gérées par une assurance maladie sous tutelle étatique. Si la PPL est votée et appliquée, la voie contractuelle pour organiser l’exercice libérale sera nulle et non avenue.
Certes, ce virage de 1996 a été enfanté dans la douleur. Il a été réalisé au prix d’un soulèvement populaire important (comme quoi le peuple a du bon sens) et a été suivi d’une dissolution perdante pour le pouvoir en place (comme quoi la démocratie fonctionne). Cependant, il a été pris dans le respect de notre fonctionnement républicain et aucun pouvoir politique n’a eu depuis le courage de le remettre en cause.
Ce qui pouvait être vu comme une initiative politique à tenter à cette époque pour transformer notre modèle social, dont on apprécierait les résultats quelques années plus tard, devrait être considéré aujourd’hui comme un aveuglement idéologique hautement nuisible à la nation. Le point est que l’État n’admet jamais ses torts ou très/trop longtemps après les faits.
Après avoir affaibli quantitativement les ressources médicales dans les années 80 et 90, l’État les a affaibli qualitativement dans les années 2000 et 2010, en leur supprimant l’essentiel de leur pouvoir d’organisation, d’action, de décision et d’épanouissement dans le système de santé.
Décidément, rien n’est dû au hasard dans l’effondrement de ce dernier.
Ce poison technocratico-comptable affaiblit tout notre modèle social et tous nos services publics
Les dégâts de cette pensée ne sont pas limités à la sphère de la santé. L’invasion de l’État dans la sphère du social a affaibli notre modèle social. La vision comptable et court-termiste de l’État a généré une inflation de dépenses administratives improductives et l’a empêché de s’adapter au nouvel environnement.
L’ultra interventionnisme de l’État dans le pilotage de notre modèle social, qui se substitue à la démocratie sanitaire et à la responsabilisation individuelle dans un modèle sanitaire (notion d’autonomie solidaire (4)), est une source de paupérisation de nos services publics et d’incapacité à adapter la protection sociale aux transformations de l’environnement pour des raisons historiques.
En 1856 dans l’Ancien régime et la révolution, Alexis de Tocqueville explique la pensée structurante de l’État envers le fonctionnement de la société civile :
« Au XVIIIème siècle, on croit encore que le paysan ne travaillerait point s’il n’était pas constamment aiguillonné par la nécessité : la misère y parait la seule garantie contre la paresse ».
On a là une partie de l’explication de la faiblesse des rémunérations des soignants, des policiers, des enseignants, des magistrats… de tous ceux qui font fonctionner les services publics de notre pays.
Plus de 200 ans après la révolution française, l’État pense toujours que « la misère est la meilleure garantie contre la paresse ». Pour garder le personnel de nos services publics servile et appliqué, rendons leurs fins de mois difficiles, faisons en sorte qu’il soit le plus reconnaissant possible de cet argent public en les rémunérant peu.
A la fin du XIXème siècle, Jules Ferry avait la même analyse en créant l’école laïque, obligatoire et gratuite. Il jugeait que l’État devait se tenir à distance de la sphère sociale.
C’est la même logique qui a conduit le Général de Gaulle, avec une coalition allant des communistes aux gaullistes, à créer la sécurité sociale en 1945, une institution démocratique autonome pilotée par les assurés.
Tout espoir de transformer notre modèle social en général et notre système de santé en particulier impose de fermer la parenthèse de 1996 et de sortir de cette pensée ultra-étatiste. Ou alors, l’État doit avoir le courage d’aller vers un modèle étatiste de santé abouti, comme le modèle NHS anglais, conçu pour la culture utilitariste anglo-saxonne…
Soit on régénère un modèle républicain à la française, soit on va vers un modèle utilitariste à l’anglaise. Dans le premier cas, il faut sortir de la logique ultra-étatiste.
La place de l’État dans le modèle français reste un grand incompris en santé (4).
L’Institut Santé précisera prochainement sa position sur la place de l’Etat dans le prochain système de santé.
La portée politique de cette PPL est à relativiser
La longue liste des signataires de la PPL N°1175 déposée le 28 avril 2023 à la Présidence de l’Assemblée nationale (1) peut laisser penser que cette sortie de l’étatisme absolu dans notre pays est utopique et irréalisable. Cette liste est à relativiser.
D’abord, il est connu que lorsqu’un(e) ou plusieurs député(e)s écrivent une PPL, l’ensemble des membres du groupe, voire ceux et celles des groupes alliés, acceptent d’être signataires par « solidarité politique », même sans la lire ou en la lisant en diagonale.
Ensuite, cette PPL est pernicieuse car elle distille son venin habillée de grandes vertus (la territorialisation, la simplification…) dont nous avons fait la démonstration qu’elle dessert en réalité leur cause. De plus, elle a un caractère démagogique en cassant du médecin libéral pour ratisser des voix de gauche, et en laissant croire à plus d’autonomie des territoires pour ratisser des voix de droite.
On peut penser que de nombreux Parlementaires inscrits sur cette PPL ne la signeraient pas et ne la voteraient pas s’ils passaient le temps nécessaire à l’analyser. Sans compter que cette analyse nécessite de bien connaître notre système de santé et notre modèle social.
Les faits ne pénètrent pas le monde des croyances
Enfin, la critique de cette pensée politique dans notre protection sociale ne doit pas faire oublier que la science politique n’est pas binaire et en se réduit pas à un camp de gentils contre un camp de méchants.
La pensée de Hobbes dans sa théorie de l’État absolu comprend des points fondamentaux dans la constitution des États et le fonctionnement des pouvoirs au sein de l’État. Hobbes lui-même, mais surtout Montesquieu et d’autres philosophes en ont dressé les limites et les dangers.
Parmi les Etatistes de tout poil, il faut aussi distinguer ceux qui ont lu les grands classiques, qui ont une vraie vision de l’Etat, on y adhère ou pas, de ceux qui se sont arrêtés à la lecture de Peyo et qui voient la France comme un village de Schtroumpfs. Notre système de santé se meurt des seconds !
Ces derniers sont aussi les plus véhéments dans leurs convictions et les plus aveuglés. Ils sont victimes des croyances limitantes qui leur enlèvent toute capacité de discernement et de dialogue constructif.
Après 25 ans d’anéantissement de notre système de santé, après avoir mis à terre l’hôpital par les mesures proposées ici pour la ville, on pourrait espérer un peu d’esprit critique, de la modération à minima.
Au contraire, ils gardent la ligne et ils accélèrent.
Toute tentative d’inflexion pour les convaincre que l’Etat ne peut pas tout et ne doit pas tout faire est aussi vaine que de tenter de convaincre une personne anti-science d’avoir confiance dans la science.
Proust a dit l’essentiel sur ce sujet dans La recherche du temps perdu :
« Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n’ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas … »
Frédéric Bizard
Le 27 mai 2023
(1) Proposition de loi N° 1175 du Groupe Horizons, ici
(2) Article L 1434-10 du Code de santé publique, ici
(3) Programme de l’Institut Santé – ici
(4) L’autonomie solidaire en santé – ici
Ce qui vaut pour la santé peut s’appliquer à la justice, l’enseignement et probablement en partie à la police.
Impression de vivre la fin d’un monde démocratique accentuée par le dérèglement climatique et ses conséquences sociales qui commencent à être perçues même dans les pays de l’OCDE. Il suffit de lire la presse étrangère.
En tant que psychiatre côtoyant souvent la véritable misère, j’ai bien peur que de nombreux « tipping points » soient bien dépassés..
Qu’advienne ce qui doit advenir….
L’univers nous survivra.
(mode prophétique « on »)
Ce n’est pas de la myopie mais de l’idéologie passant au dessus de tout. Soyons simples, une Loi est une arme par destination, la Sécurité Sociale de 1945 est décédée en 2004 par son étatisation. L’éloignement des décideurs par rapport au sachant (le soignant) crée un monde parallèle, tribunicien et technocratique sans mesure des réels problèmes des patients. L’analyse de Frédéric Bizard est complète et juste, mais changer de Doxa c’est abjurer, il nous reste à la base un vieux réflexe contre l’apostasie, or c’est le seul moyen de survie collective.
« L’intention de nuire » s’accompagne d’une volonté centrale de prendre le pouvoir et de développer toute une constellation d’activités, notamment de consultance qui ne fait qu’appliquer méthodiquement cette politique de l’Etat. De soutien aux activités au principal et de contrôle en complément, l’administration est devenue une activité de contrainte et d’exploitation des professionnels de santé à son profit et à celui de ses alliés plus ou moins volontairement aveugles (assurances, cabinets de conseil).
« L’intention de nuire » s’accompagne d’une volonté centrale de prendre le pouvoir et de développer toute une constellation d’activités, notamment de consultance qui ne fait qu’appliquer méthodiquement une politique de l’Etat abusivement insitutionnel (cht puis ght, cts, cpts….). De soutien aux activités au principal et de contrôle en complément, l’administration est devenue une activité de contrainte et d’exploitation des professionnels de santé à son profit et à celui de ses alliés plus ou moins volontairement aveugles (assurances, cabinets de conseil).
Bonjour,
Professionnel de santé libéral et impliqué dans l’évolution de ma profession et du système de santé je suis engagé au sein d’une structure représentative de ma profession depuis plus de 30 ans.
Cet engagement et une appétence particulière de la démographie des professionnels de santé (ne pas oublier celle de la population, le besoin face à l’offre), ce qui est souvent fait de la part des institutions) m’a amené à siéger dans un grand nombre de commissions face à l’Assurance maladie, l’ARS et au niveau des collectivités.
Ce qui me choque le plus dans toutes ces réunions est qu’elles sont toutes construites de la même façon.
Une présentation irréprochable de logique par l’ARS du fonctionnement de structures identifiées sur un algorithme par des acronymes où la démonstration faite indique que l’innovation protocolaire va permettre de résoudre le problème objectivé. Sauf à ce que le présentateur se perde dans les méandres de l’algorithme.
Mais il y a toujours dans l’assemblée un fauteur de troubles pour poser la question de la ressource.
Notre administration par sa seule occupation de mettre en place des protocoles, parcours et structures en tous genres en a oubliée que sa négligence face à la ressource va bientôt aboutir à ce qu’il n’y aura bientôt plus personne à coordonner sur le terrain.
Il faut que l’administration cesse de confondre l’offre, le besoin, l’accès et qu’il ne sert à rien de mettre des moyens financiers sur des structures qui bientôt seront vides par la démission des effecteurs en recherche de parcours professionnels valorisés.
Outre les strates administratives non rentables la santé libérale perd son âme dans le compérage et le copinages pour fabriquer de beaux projets dans une langue administrative et toujours pas de permanence des soins de visites à domicile
On est dans un système libérale qui fonctionne comme un administration 9h/18h pas le week end pas les vacances
En cas d’urgences faites le 15
Seules les infirmières font 7jours sur 7 en libérales et sont les moins valorisée !
Certains médecins veulent être en Liberal avoir des horaires de bureaux et un revenu plus que confortable
Et surtout ne pas déléguer …
I
Tout à fait et ça n’aide pas à reconstruire notre système de santé
Bonjour,
Merci beaucoup, cela fait du bien de voir une analyse aussi juste. Médecin généraliste dans les Yvelines, j’ai tristement assisté dès le début de mes études dans les années 1990, puis lors de mon activité de cabinet, au démantèlement méthodique que vous décrivez de manière très pertinente.
Ce qui est remarquable, c’est que la solution du problème semble être l’exact contraire de ce qui a été fait. Malheureusement ce démantèlement ne résulte pas seulement, me semble t’il, de négligence, de démagogie ou d’incompétence, mais d’une véritable intention de nuire de la part de certains acteurs politiques face au corps médical. Comme à l’égard des sciences d’ailleurs, les idéologues se sont dit qu’ils pourraient taper sur la médecine à bon compte pour se mettre en avant, sans se rendre compte que la médecine comme les sciences sont des biens fragiles. La raison s’affaiblie face aux superstitions, aux croyances et autre bigoteries qui se développent partout. Il ne s’agit pas de coexistence, comme on pourrait le penser, mais d’une destruction progressive de l’un par l’autre. Les idéologies et les croyances sont tellement plus faciles que la discipline de la Science ou de la médecine….Le combat et peut être là.
Merci encore à vous.
« L’intention de nuire » s’accompagner d’une volonté centrale de prendre le pouvoir et de développer toute une constellation d’activités, notamment de consultance qui ne fait qu’appliquer méthodiquement cette politique de l’Etat. De soutien aux activités au principal et de contrôle en complément, l’administration est devenue une activité de contrainte et d’exploitation des professionnels de santé à son profit et à celui de ses alliés plus ou moins volontairement aveugles (assurances, cabinets de conseil).
Je suis totalement d’accord avec cette analyse.
Mais quand on entend quotidiennement dans nos cabinets encore aujourd’hui ( et je n’ose y croire), les patients dire que les dentistes et les médecins pourraient bien faire un effort pour s’installer dans les zones rurales et faire plus d’heures, parce qu’après tout « ils ne sont pas à plaindre » traduisez « ils s’en mettent plein les poches », c’est la voix royale pour l’étatisation totale du système de santé. Et ça, nos politiques l’ont bien comprit.
Je souscris à l’ensemble de cet article jusqu’à sa phrase de conclusion !.. Celle ci, contrairement au reste, n’est pas démontrée et n’est que l’expression d’une idéologie et « d’une faute » présumée. L’article expose un cortège d’erreurs renouvelées, mais ce n’est pas avec cela que l’idée de l’état serait à invalider… Si celui ci avait comme but le bon fonctionnement de notre société et des services attendus soit sa définition : servir l’intérêt général, le bien public ou le bien commun. C’est à dire, si l’état était politique au sens noble du terme. Ce qui me surprend alors à la suite de cette présomption ; c’est la citation de fin…
Bon c’est très bien tout cela, mais concrètement, vous proposez quoi ? Ce serait intéressant d’écrire un contre-projet de loi.
Tout est là
https://www.institut-sante.org/
Je vous remercie pour cette analyse que je partage.
Notre pays est une somme d irresponsabilité des niveaux décisionnels car aucun n a de réels pouvoirs. Au mieux une déconcentration du système décisionnel .
La place des représentants des personnes est illusoire comme celle des acteurs à travers des commissions consultatves.
La décentralisation doit amener à revoir le mode de financement de la protection tant sur le financement des décisions que des non décisions comme certain pays nordiques.
Il est important de bien définir ce que l on entend par santé et qui cela concerne avec les droits et les devoirs.
Bravo pour cette analyse clairvoyante montrant l’aveuglement de notre caste politique, semblant manipulée par les technocrates de nos grandes administrations. Ceux-ci ont un état d’esprit particulier, partisan, tout par état pour l’Etat, caractéristique de l’ENA. Pas du tout constructif comme l’était celui des serviteurs de l’Etat avant l’ENA, car c’était des ingénieurs, des anciens de science politique, de formations diverses. Cette diversité était une richesse, surtout que les ingénieurs apportaient cette faculté à Construire, soit du concret ( ponts, routes,…), soit du virtuel ( réseaux, maillage ou système social,…).
Pour la médecine, on peut espérer que les médecins se sauvent du système etatique pour un système libéral secteur 2 ou 3. Les honoraires seront revalorisés en fonction de l’évolution du coût de la vie, du coût du travail et de sa technicité. Certains craignent que les assurés sociaux ne puissent pas accéder à de tels soins. Mais les assurances vont profiter de ce nouveau marché. Les patients vont bien comprendre que le système etatique evolue actuel évolue vers une paupérisation de la médecine sans Progrès ( les nouveaux implants chirurgicaux ne sont plus distribués en FRANCE).
Merci donc pour cette belle analyse M. Bizard.
Des gens comme vous nous donne l’espoir que tout n’est pas perdu.
La FRANCE peut aussi apprendre de ses échecs si l’ego de nos politique était mis de côté ainsi que le parti pris des technocrates des ministères
Christophe LAPRAS
Bonjour
Je suis plus âgé que vous et j’ai fait les mêmes constats. Ce qui amène à s’interroger sur les mécanismes de cette folie. Je pense que c’est Henri Laborit qui avait fourni l’explication la plus pertinente « « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chances qu’il y ait quoi que ce soit qui change. »
Comme vous le soulignez dans plusieurs passages de votre article, la perte de domination et le risque d’autonomie des subalternes sont des sentiments insupportables pour les chefs à plume.
Je suis personnellement totalement désabusé. Tant qu’il n’y aura pas de tremblement de terre (par exemple une explosion de la monnaie et donc des finances publiques), il y a peu de chances pour que les choses s’améliorent.
Analyse déprimante… pourquoi les décideurs sont-ils hors sol, désintégrés de toute réalité, surs de leur toute puissance ?
Que pourraient faire les médecins pour influencer l’avenir de la profession ? Cet avenir apparait bien triste à la lecture de votre texte et à l’idée que la loi sera possiblement votée
Je penses que les syndicats unanimes doivent poser comme préalable à la reprise des négociations l abandon de ce projet de loi sinon on sera enfermé dans ce cadre coercitif sans négociations
FHonorat co président avenirspe le bloc
Excellente analyse qui couche sur le papier ce que je perçois de la nébuleuse qui entoure ma pratique de soignant aux urgences depuis 30 ans.
Mais, car il y a un mais: les médecins sont mobiles et rien ne retient les jeunes de passer les frontières, ni les vieux de partir en retraite avant l’âge, ils en ont les moyens.
Et oui, on va vers la mort de la médecine libérale et par effet boule de neige l effondrement de l hôpital qui n est pas en capacité seul de prendre en charge la santé de la population. L étatisation de la médecine but final de ce projet de loi ne pourra as être toléré par des médecins libéraux dont l ADN est la liberté de leur activité. Que faire? Comment faire entendre raison à nos décideurs?
Mon cher Olivier, je souscris à l’ensemble de cet article jusqu’à sa phrase de conclusion !..
Celle ci, contrairement au reste, n’est pas démontrée et n’est que l’expression d’une idéologie et « d’une faute » présumée.
L’article expose un cortège d’erreurs renouvelées, mais ce n’est pas avec cela que l’idée de l’état serait à invalider… Si celui ci avait comme but le bon fonctionnement de notre société et des services attendus soit sa définition : servir l’intérêt général, le bien public ou le bien commun. C’est à dire, si l’état était politique au sens noble du terme.
Ce qui me surprend alors à la suite de cette présomption ; c’est la citation de fin…
Avec mon bon souvenir de nos vieux débats 😉
Amitiés
Remarquable analyse, comme d’habitude. On se heurte en effet au double effet d’une croyance étatolâtre et d’un déni du réel si puissants que tout examen sensé, toute logique, tout raisonnement sont impossibles. Comme ça rate, c’est qu’il faut continuer.
Comme vous le notez, cette sorte de psychose mue par une passion au fond triste agit bien au delà de la sphère du système de santé et parasite un vaste champs de l’action publique, en faite toute l’action publique. Le personnel politique partage dans sa quasi totalité cette folie et n’émet aucune critique ni contre proposition, nourrissant le désespoir et l’attrait pour les solutions des extrêmes.
Je vais vous apprendre la moitié de mon ancien métier de psychiatre : on ne doit pas raisonner les fous, et encore moins les fous raisonneurs. On n’y parvient pas et on s’y épuise. Mais, au fond, les fous savent qu’ils le sont et, comme nous aussi, voilà qui fait qu’on peut se retrouver d’accord, au delà de la raison folle.
La folie a comme effet latéral de soigner des détresses cachées, des souffrances enfouies, des pertes ignorées. C’est pour tout celà que la presque totalité des français se grise, s’étourdit, s’enférant dans une illusion qu’ils savent inefficace.
Mais c’est bon de savoir que certains ne partagent pas cette déraison, et c’est pourquoi votre voix compte tant.
Je sais que vous êtes écouté, et que cette voix de l’espoir fera son chemin, car la réalité console aussi quand le folie, même celle là, aliène, sépare et ne répare rien.
Encore merci.
Vous avez raison.
Laisser les médecins libéraux français en honoraires libres (secteur 2) et le système médical français fonctionnera. Les médecins savent s’adapter à leur patientelle et leur niveau financier avec tact et mesure. Il n’y aura pas de médecine à deux vitesses mais la population doit s’adapter à la situation économique actuelle et l’obligation pour chaque médecin de se faire accompagner par du personnel médical notamment pour tout le travail administratif qui ne diminuera pas.’: cela a un coût et tous doivent participer.
Bonjour, votre analyse est fort éclairante. Cependant, vous écrivez : « on complique à outrance l’exercice des professionnels qui ont passé des diplômes parmi les plus difficiles au monde tout en facilitant au maximum l’exercice de ceux qui ne sont pas passés par cette difficulté ». Dénigrer les médecins hors UE n’est pas très honorable et votre propos est inexact. Je ne vais prendre que l’exemple des pays d’Afrique du Nord où pour entrer en première année de médecine il faut avoir un baccalauréat scientifique mention très bien, certains étudiants français ne passeraient même pas et certains étudiants issus de milieu aisé de ces pays viennent étudier en France car ils n’ont pas pu être admis dans leurs propres universités. De plus, les programmes sont tout à fait équivalents puisque la langue d’enseignement est le français. Le problème est surtout les différences de niveau économique, la corruption et le mode de vie, qui les poussent à venir en France travailler au salaire d’interne et avec peu de perspectives d’évolution. L’état français en profite.
Je ne pense pas qu’ils ciblent les praticiens PADHUE qui sont pour la plupart de très bon médecins.
Leurs conditions d’accès à un exercice est particulièrement difficile, l’obtention du grade de PH est un parcours que je ne voudrais pas avoir à accomplir.
Peut-être mr bizard parle de la délégation de tache, situation parfois difficile à digérer. Le droit de prescription, qui s’obtient par un examen partir de la 6 ème année pour les médecins, offerts en 8 mois de formation semble difficilement compréhensible quand on souhaite prolonger d’une année le cursus des généralistes
Le seul message que je voulais faire passer sur ce point est que la détérioration des conditions d’exercice des praticiens formés en France étaient tellement dégradés par ce type de politique que je comprenais le besoin de faciliter l’arrivée des PADHUE. Je précise que les Padhues sont reconnus pour être des praticiens de grande qualité.
Le drame de votre article, c’est que hélas, votre analyse est totalement juste !
La myopie des décideurs est abyssale, : volonté de mettre encore plus d’Etat pour achever de bloquer les rouages du quotidien, dégoûter les professionnels de santé, et accroître encore plus les couches du millefeuille administratif. Je crains que notre système sanitaire ne s’en relève jamais.
Loic, il n’y a aucune Myopie des décideurs ici. Bien au contraire, une vision claire, nette et précise puisque c’est la volonté délibérée des « etatistes » de mettre a neant le système du passé.