Texte intégral d’une Tribune parue dans le Figaro du 13 avril 2012
La prévention routière a été une des grandes réussites de ces dernières années, avec un nombre de tués sur les routes qui est passé de plus de 10 000 à moins de 4000 morts par an. Ces 6 000 vies sauvées chaque année sont autant de familles épargnées par la douleur et d’acteurs économiques supplémentaires en pleine force de l’âge pour notre pays. Pour arriver à cela, les citoyens ont accepté la possibilité de perdre un droit auquel ils sont très attachés, le droit de conduire leur voiture, après quelques écarts de conduite. Nous avons consenti qu’au droit de conduire librement sa voiture soit associé le devoir de ne pas mettre en danger sa vie et celle des autres.
Pour qu’un droit ait toute sa force, il doit être associé à des devoirs. Droits et devoirs forment les deux faces d’une même politique sociale. Sans devoirs associés, les droits deviennent arbitraires. La santé échappe à ce constat, où le droit à la santé n’a pas été associé en France à des devoirs. Si chaque individu dispose du droit d’accès au meilleur niveau de santé possible, il a le devoir de tout mettre en œuvre pour ne pas altérer sa santé ou celle des autres. Cela doit se faire sous forme incitative, sans altérer les libertés individuelles et sans implantation d’un quelconque carcan sanitaire. La première réponse passe par l’éducation à la santé de la population. Puis nous devons trouver des solutions pour responsabiliser les patients qui sont à la charge de la collectivité. On pourrait faire signer un pacte civique de santé (qui reprendrait les points clés à connaître pour une bonne prise en charge) et faire respecter un parcours de soins préétabli aux plus de 8 millions de personnes pris en charge à 100% par la collectivité pour des affections de longue durée.
La France compte chaque année plus de 105 000 décès prématurés avant 65 ans, et plus de 35 000 décès évitables avec une politique de prévention efficace. Seuls les pays d’Europe de l’Est nous sauvent de la cuillère de bois européenne en la matière. C’est le résultat de notre politique de santé des trente dernières années qui est passé à côté des progrès et bénéfices de la médecine préventive comme elle est en train de passer à côté de la révolution biotechnologique et de l’évolution de la recherche en cours. Dès le XVIème siècle, Montaigne écrivait dans ses Essais, « Tu ne meurs pas de ce que tu es malade, tu meurs de ce que tu es vivant ». Les maladies dominantes de notre civilisation – cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, maladies dégénératives – sont des maladies d’évolution lente dont des facteurs de risques importants sont liés à nos comportements, directement (nutrition, exercice physique, tabac alcool) ou indirectement (pollution atmosphérique, chimique et électromagnétique). Toute action efficace pour contenir les dépenses de santé dans notre pays impliquera de limiter l’incidence de ces pathologies civilisationnelles.
Pourquoi un tel échec de la prévention sanitaire en France, qui épargnerait chaque année à plus de 20 000 familles, en extrapolant les résultats de la prévention routière, la douleur de la perte d’un proche ? D’abord, parce que le corps médical n’a pas été associé à la politique de prévention. Faire de la médecine préventive sans les médecins ne peut être qu’un échec. On dépense des dizaines de millions d’euros chaque année pour de grandes campagnes médiatiques afin de sensibiliser nos citoyens à leur santé. Le résultat est que pendant quelques jours, nous entendons parler des grands dangers de certains comportements sans le moins du monde adapter nos propres comportements. La belle harmonie de la coordination synchrone du dire et du faire est très difficile à trouver en santé. Les études démontrent qu’une politique préventive efficace doit être diffusée par les professionnels de santé dont la parole est d’or pour nos compatriotes. Outre les études, c’est du bon sens que de comprendre que nos 210 000 médecins qui voient chaque jour des milliers de patients sont les mieux placés pour les aider à modifier leurs comportements sanitaires. Ensuite, tout notre système de santé est orienté sur le curatif. Sur les 234 milliards € de dépenses de santé, la France a consacré 6 milliards € soit seulement 2.5% des dépenses de santé pour la prévention en 2010. Hors frais de gestion, la France consacre 94% de ses dépenses de santé sur ses malades. Les crédits accordés à la recherche en médecine préventive sont infimes dans la masse budgétaire de la recherche médicale. C’est pourtant en cherchant à mieux comprendre les causes et les moyens de diagnostiquer précocement les maladies chroniques qu’on arrivera à contenir le coût social et financier énorme de ces pathologies. Hors fraudes et gaspillages, les dépenses de santé sont des dépenses à forte valeur ajoutée sur le plan social et économique dont la réduction ne fait pas un programme politique de santé. C’est donc bien la répartition de cette somme qu’il faut totalement repenser, et donc les paradigmes qui fondent notre politique de santé qu’il faut changer.
Prenons l’exemple de la lutte anti-tabac ; 29% de la population française fument contre 21% en Finlande et 16% en Suède. La consommation croissante de tabac chez les adolescentes va générer des dégâts colossaux en mortalité féminine prématurée si on ne stoppe pas cette tendance. 37% des adolescents de 11 à 15 ans déclarent ne pas pouvoir se passer du tabac et plus de 50% des jeunes de 18 à 34 ans fument. Le tabac tue 65 000 personnes chaque année, est la première cause de mortalité prématurée et coûte plus de 15 milliards € annuellement à la sécurité sociale. Face à un tel fléau, les quelques centaines de tabacologues, qui font un travail remarquable, ne peuvent pas grand-chose devant l’ampleur de la tâche. Ce n’est pas non plus en doublant le prix des cigarettes, ce qui revient à taxer lourdement les classes défavorisées et les jeunes, qu’on luttera efficacement contre le tabac, pas plus que par des campagnes de communication. C’est par la mobilisation de tous les professionnels de santé et par un programme d’éducation à la santé, en particulier en milieu scolaire pour les addictions, qu’on obtiendra des résultats tangibles.
Le silence des candidats à l’élection présidentielle sur les questions de santé est d’autant plus assourdissant que nous sommes en situation d’état d’urgence financière. L’assurance maladie en France a généré un déficit cumulé depuis 2000 de 87 milliards €, alors que l’Allemagne – qui, a fait les réformes au début des années 2000, a connu le même environnement de crise sur cette période et dispose d’un système de santé comparable au nôtre – s’interroge sur l’utilisation de l’excédent de 19 milliards € engrangé par son assurance maladie. Sur la tendance actuelle, le Gouvernement prévoit un déficit cumulé de 26 milliards € de 2012 à 2014, juste pour notre assurance maladie, soit 45% des déficits prévus pour la sécurité sociale sur cette période. Notre retard et notre frilosité face à la mutation nécessaire de notre système de santé mettent en péril l’ensemble de notre protection sociale. Il ne suffit pas de sauver nos retraites pour sauver notre modèle de protection sociale si cher aux Français ! La réforme du financement de notre protection sociale, qui est liée à la recherche de plus de compétitivité économique de la France et qui nécessite de bien prévoir les interactions entre fiscalité et macroéconomie, devrait être un thème prédominant de cette campagne tant elle impactera la vie de tous dans les années à venir et nécessite donc un grand débat public. La TVA sociale est un pas dans la bonne direction mais est nettement insuffisante face à l’ampleur des enjeux financiers. C’est une réforme fiscale de plus grande ampleur qui est nécessaire impliquant des assiettes de financement plus larges que celles du travail et basées davantage sur le particulier que sur l’entreprise.
La refondation de notre système de santé passe donc par une nouvelle approche financière, culturelle et organisationnelle qui sera transversale dans la société et impactera toutes les activités de l’Etat et du Gouvernement. Du modèle de médecine curative du XXème siècle, il nous faut passer le plus tôt possible au modèle de la médecine 4 P du XXIème siècle – préventive, prédictive, personnalisée et participative. Nous avons pris beaucoup de retard pour la mise en place du premier niveau de cet édifice. Il n’est pas encore trop tard mais le sablier se vide. Toujours dans ses Essais, Montaigne évoquait « mon métier, mon art ; c’est vivre », en bonne santé si possible Mesdames et Messieurs les Candidats !
Frédéric Bizard
Professeur Luc Montagnier: Prix Nobel de médecine
[…] le passage d'une médecine curative à une médecine prédictive – Pr. Luc Montagnier Repenser notre politique de santé | Frédéric Bizard <b>Texte intégral d’une Tribune parue dans le Figaro du 13 avril 2012 </b> […]
La France devient à la traine en matière de santé…inquiétant
En matière de lutte contre le tabac, il serait temps que les législateurs se penchent sérieusement sur la cigarette électronique. Cette nouvelle alternative au tabac atteint de plus en plus de fumeurs qui souhaitent quitter le tabac et préserver quelque peu leur santé. De nombreux chercheurs de par le monde tentent d’encourager la cigarette électronique dans la lutte contre le tabagisme et insistent sur le fait qu’elle détient un réel potentiel en terme de santé publique. Elle a également un rôle prépondérant en matière de fumée passive et de protection de l’environnement.
Le marché du tabac a engendré des dégâts considérables que nul ne peut nier. Il apparaît de plus en plus évident que la cigarette électronique peut aider de nombreux fumeurs à stopper leur consommation d’un produit que l’on sait désormais excessivement nocif. A quand des politiques qui axent enfin leurs efforts sur la santé publique ? Nous savons tous que le tabac tue. Il existe désormais de nouvelles alternatives. A titre personnel, je ne fume plus depuis plus de 12 mois grâce à la cigarette électronique et à une communauté de plus de 15000 personnes qui se sont unies sous la bannière du forum-ecigarette.
Merci de votre attention et bonne continuation.