« Supprimer l’hôpital » : ce mot d’ordre date de la révolution française. La Convention, par la voie des Montagnards a réclamé lors des débats parlementaires l’élimination des hôpitaux tant ils étaient insalubres et mal administrés. Deux siècles plus tard, alors que notre médecine est toujours pensée autour et à partir de l’hôpital, le déclin hospitalier plonge l’ensemble de notre système de santé dans la crise.
La France compte un tiers de lits de plus que la moyenne des pays de l’OCDE soit un surplus de 100 000 lits. Nous avons deux fois plus d’hôpitaux que le Canada ou les Etats-Unis et trois fois plus que le Royaume-Uni. Nos dépenses hospitalières augmentent depuis 15 ans plus vite que la croissance du PIB et sont passées de 3% du PIB en 2005 à 4,25% en 2012 (85 milliards euros). Pour 100 euros de consommation de soins et bien médicaux remboursés par la sécurité sociale, 55 euros vont à l’hôpital, un record du monde absolu. En matière de qualité et de sécurité des soins hospitaliers, la France performe moins bien que la moyenne des pays de l’OCDE. Plus de 6000 praticiens mercenaires sont employés en intérim pour faire survivre des hôpitaux qui n’intéressent plus de médecins titulaires, au surcoût de 500 millions d’euros par an et d’une dégradation de la sécurité des soins. La mortalité hospitalière pour erreur médicale dépasse la mortalité cumulée pour accident de la circulation et cancer du sein.
Un poids moral, politique et médical
Autrefois fleuron de notre système de santé et icône de notre pacte social, l’hôpital public s’est enfoncé au cours des années dans une situation de crise profonde. Avant d’aborder les erreurs des politiques publiques qui ont conduit à cette situation, précisons l’enracinement profond de l’hôpital dans notre société, d’autant plus solide qu’il s’enfonce dans le socle de valeurs morales, politiques et médicales. L’hôpital s’impose comme un lieu de passage obligé aux deux extrémités de la vie et est considéré à la fois comme un refuge providentiel et le lieu de tous les dangers. Objet tangible de notre pacte social, l’hôpital emploie près d’un million de personnes et est souvent le premier employeur de la ville locale. Il incarne la médecine dans toute sa puissance, il est le haut lieu de sa gloire. Ce poids moral, politique et médical rend toute réforme à haut risque et a conduit à une véritable sanctuarisation de l’hôpital, devenu un monstre sacré.
Une succession de mesures délétères
Les Pouvoirs publics ont cumulé les mesures délétères pour l’hôpital ces dernières années. Sans aucune réflexion prospective sur les modèles hospitaliers adaptés à notre époque, l’Etat français a lancé un cycle d’investissement colossal au début des années 2000 (plans hospitaliers 2007 et 2012) dans lesquels des dizaines de milliards d’euros ont été dépensés sans apporter ni gain d’efficience ni réorganisation de l’offre de soins. A la sortie de ce cycle, on obtient un triplement de la dette des hôpitaux passée de 10 milliards à 30 milliards d’euros et un déficit toujours chronique. Le concept d’hôpital entreprise visant à donner avant tout le pouvoir au management administratif aux dépens du pouvoir médical avait bien peu de sens tant ces deux pouvoirs doivent cohabiter pour rendre le management performant d’un hôpital. Nous assistons récemment à une dérive mortifère des pouvoirs publics visant à extraire le secteur public hospitalier français du secteur concurrentiel dont la loi de santé de la Ministre est l’apothéose.
Un Etat partial contre l’intérêt général
Cette dérive est présentée sous l’habillage politique du service public territorial. Le but est de protéger les parts de marché du secteur public, éviter toute restructuration du secteur. Au nom du service public, l’Etat bafoue son impartialité dans la délivrance des autorisations administratives entre le secteur privé et le secteur public, manipule les règles de financement pour transformer un mode de tarification à l’activité en mode de subvention déguisée. Alors que le modèle français de mixité de l’offre hospitalière, sous forme de délégation de service public au privé, a montré historiquement sa supériorité aux autres modèles essentiellement publics, en matière d’égalité d’accès pour tous à des soins de qualité sans délai d’attente, l’idéologie sectaire d’une faction politique et la soif de pouvoir de l’administration mettent toute leur énergie à détruire notre modèle de santé.
Une croisade anti-privée injustifiable
Cette croisade anti privée (à l’hôpital comme en ville) est incohérente à tout point de vue, que ce soit vis-à-vis de la nécessité de baisser les dépenses publiques ou de l’histoire française des services publics. La France a été pionnière dans le monde sur l’organisation de nombreux services publics tels que l’eau et les déchets sous forme de délégation de service public au secteur privé, conduisant à la création d’entreprises de réputation mondiale. Il est aussi assez cocasse de voir l’Etat tenter de recréer des monopoles publics à l’heure où le Ministre de l’économie dénonce avec force le monopole de certains opérateurs privés. Cela montre que ce qui est le plus gênant pour cet Etat, et ses représentants les plus zélés, ce n’est pas la notion de monopole mais le statut des institutions qui profitent de ce monopole. Que le secteur privé délivre des services de qualité égale ou de meilleure qualité à un coût plus faible pour la collectivité importe peu, il faut rester entre opérateurs fréquentables pour délivrer un service public. Ces opérateurs ne peuvent être évidemment que désintéressés du gain financier, de toute notion de rentabilité et de productivité puisqu’ils travaillent pour l’intérêt général!
Si seulement cette vision bénéficiait au moins au secteur public, on aurait un motif de satisfaction. Dans la santé, le secteur public ne s’est probablement jamais aussi mal porté économiquement, moralement et socialement qu’en 2014. La faction politique qui mène cette initiative ramène l’hôpital public des décennies en arrière à sa conception d’hospice pour les pauvres. Sa vision exclusivement sociale de la santé transforme notre modèle de santé en un modèle passéiste et inégalitaire. Dans nos quarante propositions pour réformer*, nous proposons une série de mesures pour adapter notre modèle français aux enjeux du XXIème siècle et restructurer l’hôpital public qui doit rester un pilier de notre modèle. Entre autres, rendre autonome la gestion des hôpitaux publics, repenser nos modèles hospitaliers, extraire l’Etat du pilotage opérationnel du secteur hospitalier et installer une démocratie sociale moderne, respecter la neutralité tarifaire dans le financement, utiliser le mode de rémunération à la performance…
Plutôt qu’une cure d’austérité à l’hôpital dont le plan d’économie gouvernemental prévoit une réduction budgétaire de 2,5 milliards d’euros sur la lingerie et les services informatiques sur trois ans, nous démontrons qu’un véritable plan de restructuration permettrait d’économiser cette même somme chaque année tout en améliorant les performances et les conditions de travail à l’hôpital.
Frédéric Bizard
La santé : une histoire de gros sous ,bien sûr . Eh bien ,hier soir ,en regardant sagement la télé publique ,j’ai vu que des gens étaient payés pour compter les isards dans les Pyrénées . Et ils utilisent du matériel coûteux : hélicos , matériel médical , justement ( car ils ne font pas que les compter ). Argent public (parc naturel régional ). Les isards prolifèrent et se portent bien . Même si certains contrats mutuelle valent encore le coup tout de même, il ne faut pas l’oublier http://www.lassurance-obseques.fr/%EF%BB%BFle-contrat-en-capital-obseques/