La montée en puissance des complémentaires santé, dont la couverture est passée de 69% de la population en 1980 à 96% en 2013, devait garantir l’égale accessibilité financière pour les soins courants. Cet objectif a échoué puisque 30% des Français renoncent à des soins pour raison financière chaque année1 dans deux secteurs principalement, le dentaire et l’optique, dont les CS sont le premier financeur.
Notre système de complémentaires santé est en fait un système inefficace, inéquitable et coûteux. L’opacité du marché empêche de choisir un contrat adapté à son profil de risque et de faire jouer la concurrence pour faire baisser les prix. Les garanties sont incompréhensibles et trompeuses (les complémentaires incluent la part de l’assurance maladie obligatoire dans leurs garanties), la plupart des contrats ne sont pas en libre accès sur internet et la structuration des contrats rend impossible de s’assurer spécifiquement pour un risque. Les soins courants coûteux sont très mal couverts. Ainsi, un couple de 45 ans avec deux enfants payent en moyenne 2000 euros par an sa complémentaire avec un reste à charge de 500 euros pour une prothèse dentaire, soit 70% du prix moyen. Pas étonnant qu’on assiste à un renoncement aux soins en dentaire dans ces conditions. Les Français sont très inégaux face aux complémentaires santé. Le cadre supérieur va être très bien assuré grâce à son contrat collectif généreux alors que le chômeur, le retraité ou le travailleur indépendant va disposer d’un contrat individuel de mauvaise qualité. Plus de la moitié des contrats individuels ne couvrent quasiment que les tickets modérateurs, et ne servent donc à rien. Le système est très coûteux si on observe le coût des primes (hausse de plus de 70% entre 2000 et 2010) et le niveau faramineux des frais de gestion des complémentaires (7,3 milliards d’euros soit 22% des cotisations). Ces frais abondants rendent le système de santé français le plus sur-administré au monde après celui des USA, avec des coûts administratifs de 280 euros par habitant contre 145 euros au Canada et 50 euros en Suède.
Le Contrat d’accès aux soins est un gadget conçu par les complémentaires pour ne plus rembourser les compléments d’honoraires. Il va dégrader l’accès aux soins des spécialistes pour les classes moyennes et va rendre l’utilité de la couverture complémentaire encore plus faible.
Quant à leur généralisation, prévue en subventionnant la souscription à une complémentaire par de l’argent public, elle ne peut avoir comme justification que le renvoi d’ascenseur d’un Président soutenu par la Mutualité française quand il était candidat à la présidentielle.
Frédéric Bizard
1 Enquête CSA pour Europ Assistance, octobre 2013